Article initialement paru dans le Huffington Post
Les réseaux sociaux donnent accès à une abondante production de commentaires à propos des événements qui entourent François Fillon. Dans ce cas, deux fils de messages sont concurrents sur Twitter (même si des messages s’inscrivent dans les deux) : #Fillongate, et #Pénélopegate. Il serait déjà probablement intéressant de s’intéresser à la dysmétrie introduite entre « Fillon » et « Pénélope » (et pourquoi pas « François » et « Pénélope », mais ce n’est pas l’objet de ce billet).
Pour essayer de tirer des informations de ces fils de messages, nous avons extrait (dans le cadre du projet #Idéo2017) les 17045 tweets/retweets de #Fillongate entre le 04/02 et le 06/02 d’un côté, et les 15587 tweets/retweets de #Penelopegate 04/02 et 06/02.
L’analyse des formes utilisées dans ces deux corpus ne semble pas très différente en apparence :
Formes dans le corpus #Fillongate Formes dans le corpus #Penelopegate
Dans les deux cas, le terme « affaire » est employé, qui dans ce cas a le sens de « scandale ». Mais si on cherche ce qui distingue ces deux corpus, on entrevoit deux lectures légèrement différentes de cette affaire.
Le #Penelopegate: du bénévolat à la théorie du complot
Dans le cas du #Penelopegate, deux éléments se distinguent: le recours à l’ambigramme, et l’usage de « Macron ».
Concernant l’ambigramme, ce tweet nous explique ce dont il s’agit :
Merci à tous ceux qui m'ont devancé en créditant ma photo gratuite https://t.co/uYKmAqJHIk Sympa le travail ! #transparence #PenelopeGate pic.twitter.com/aJAYsGjmz7
— Basile MORIN (@BasileMorin) February 6, 2017
Ceci donne une existence ludique à l’association entre « Pénélope » et « Bénévole ». Bien que ludique, cette association a du sens dans le corpus: un travail bénévole n’est pas rémunéré, or Pénélope Fillon est accusée de ne pas avoir travaillé, mais d’avoir reçu une rémunération. L’ambigramme n’est donc pas gratuit, mais il s’appuie sur un processus à la fois formel, et sémantique. Ceci explique son succès, et la portée qu’il obtient dans ce corpus.
L’association construite avec Emmanuel Macron est également intéressante. Si on regarde les références utilisées et leur articulation autour de « Macron », on obtient un schéma éclairant sur l’affaire :
Et qui s’explique par des tweets tels que celui-ci :
Une présentation éclairante. #PenelopeGate
Révélations : La promo de l’ENA de Macron derrière l’affaire Fillon ? https://t.co/yFyN4AYqh6— ensembleresistonsن (@Resistance2017) February 6, 2017
On trouve donc dans ce corpus deux attitudes distinctes: la mise en valeur de l’affaire par l’association au bénévolat, ou sa minoration par une théorie du complot.
Le #Fillongate: la condamnation d’un délit
Dans ce corpus, la référence au « Délit » est beaucoup plus présente:
et articule à la fois des éléments généraux (« citoyens », « France », « parti_politique », « homme_politique ») mais aussi des choses qui pointent déjà l’interprétation de l’affaire (« système », « déloyauté », « média »).
La manière dont les tweetos s’inscrivent dans cette thématique est très variable.
Par exemple :
Et mince, un chèque issue de la caisse noire des sénateurs, encaissé à l'insu du plein grès de @FrancoisFillon . #FillonGate pic.twitter.com/0pspHmTClF
— Tanguy Bismuth (@htan987) February 4, 2017
avec « caisse noire »
« Vous en avez assez de cette racaille de Sablé-sur-Sarthe ? eh ben, on va vous en débarrasser » #FillonGate #FillonDemission #PlanB pic.twitter.com/pvBnC2gFfR
— ★Degaulle★ Charlie (@Degaulle8) February 5, 2017
avec « racaille »
Les vraies racailles ont toujours été en costard ou en uniforme.. #aulnay #JusticePourAdama #JusticePourTheo #FillonGate #Lepen300k
— Hichem (@MCouille1899) February 4, 2017
avec « vraies racailles »
On voit donc une forte prise de position avec un vocabulaire marqué pour dénoncer le délit. Mais on voit également comment les twittos détournent en partie le vocabulaire qui peut être utilisé par la classe politique, pour pointer le paradoxe existant entre leurs jugements et accusations, et ceux que l’on peut finalement porter sur eux. Ce corpus se distingue donc du précédent, en ce qu’il se concentre plus sur la nature de l’affaire, et son interprétation politique.
Mais les mêmes conséquences: la demande de transparence
Les messages produits dans ces deux fils donnent assurément un fort écho au besoin de « transparence », ce qui explique le succès de ce tweet donc l’efficacité ressort dans le corpus :
On comprend pourquoi Fillon n'avait pas voté la loi de @fhollande sur la transparence de la vie publique #FillonGate #PenelopeGate
À lire👇 pic.twitter.com/vnw7rGNflw
— JADE RÉPUBLICAINE (@JadeJoPS) February 4, 2017
Dans les deux #gate finalement, c’est une vie politique plus transparente qui est souhaitée.